Champignon du mois – Juin 2020

Juin 2020


Rhizopus arrhizus (syn. Rhizopus oryzae)

REGNE : Fungi
PHYLUM : Mucoromycota, Mucoromycotina
CLASSE : Mucoromycetes
ORDRE : Mucorales
FAMILLE : Rhizopodaceae

Rhizopus arrhizus (anciennement appelé Rhizopus oryzae) est un champignon cosmopolite, retrouvé très fréquemment dans l’environnement et utilisé depuis l’antiquité pour la préparation d’aliments et de boissons traditionnelles (propriétés de fermentation). Différentes souches de R. arrhizus sont également utilisées par l’industrie agroalimentaire et les biotechnologies dans différents processus de production d’acides organiques, d’éthanol, de biocarburants ou d’hydrolyse enzymatique.

L’espèce R. arrhizus comporte deux variétés identifiées sur la base de caractéristiques morphologiques, de génotypage et d’études phylogénétiques : R. arrhizus var arrhizus (qui inclut également l’ancien R. arrhizus var rouxii) et la variété R. arrhizus var delemar. Les deux variétés ne présentent pas de différences physiologiques, écologiques, épidémiologiques ou cliniques à l’exception de la production d’acides organiques spécifiques (production d’acide lactique par la variété arrhizus et d’acide fumarique et malique par la variété delemar).

Rhizopus arrhizus est le champignon filamenteux de l’ordre des Mucorales le plus fréquemment incriminé dans les mucormycoses humaines. Ce champignon cosmopolite est responsable d’infections rhino-orbito-cérébrales, pulmonaires, cutanées ou disséminées. Ces infections surviennent généralement chez des patients diabétiques ou présentant un terrain immunodéprimé (patients d’hématologie, sous chimiothérapie ou corticoïdes, allogreffés de cellules souches hématopïétiques, transplantés d’organe solide, etc.) ou encore après inoculation traumatique. Elles sont associées à une mortalité élevée (≃ 40%), même lorsqu’un traitement adéquat est mis en place. Le pronostic est fortement corrélé à la rapidité de mise en place du traitement (antifongiques + chirurgie extensive) et donc à la rapidité diagnostique. Une suspicion de mucormycose à R. arrhizus (ou autre Mucorales) constitue donc une urgence diagnostique et thérapeutique.

Sur le plan mycologique, la culture de R. arrhizus se fait facilement sur milieux usuels (Sabouraud-gentamicine-chloramphenicol, géloses au sang, géloses polyvitex, etc.). Le champignon pousse à 30°C comme à 37°C. La croissance est rapide et les colonies arrivent à maturité en l’espace de 4-5 jours. Macroscopiquement, les colonies de R. arrhizus envahissent rapidement la gélose et présentent un aspect aérien (jusqu’à 1 cm de hauteur) en « barbe-à-papa ». Initialement de couleur blanche, les colonies deviennent rapidement grises à brun foncé à maturité. On peut observer à l’œil nu un enchevêtrement de filaments blanchâtres au sein duquel se nichent des petits grains foncés (correspondant aux sporanges ou sporocystes) de plus en plus nombreux lors de la maturation du champignon (et responsables du changement de couleur de la culture) (Figure 1).

Microscopiquement, les filaments des espèces du genre Rhizopus (dont R. arrhizus) sont larges (6-15 µm de diamètre) et irréguliers ; ils présentent un aspect rubané et ne sont pas (ou très peu) septés (= hyphes siphonnés) (Figure 2). Sur les filaments (ou stolons) se branchent de longs sporangiophores qui portent chacun un sporange produisant des spores brunes arrondies. Les sporangiophores sont isolés ou groupés en verticilles et sont généralement non ramifiés. On observe habituellement des rhizoïdes pigmentés bien identifiables à l’endroit où le/les sporangiophores se séparent du stolon. Les sporanges sont sphériques, de grande taille (50-250 µm, visibles à l’œil nus = grains bruns), et pigmentés. Le sporangiophore se termine par une vésicule de forme arrondie, appelée columelle, qui fait saillie dans le sporange dont elle occupe la majeure partie. Les spores produites sont libérées à maturité par déchirement de la paroi du sporange. Il persiste alors à la base de la columelle une petite cicatrice (appelée collerette, résidu de paroi du sporange) qui permet de visualiser la présence d’une courte apophyse (Figure 3).

Au sein du genre Rhizopus, l’identification précise d’espèce se fera au laboratoire par spectrométrie de masse de type MALDI-TOF après avoir vérifié que les bases de données sont compatibles avec cette espèce ou par biologie moléculaire (séquençage des régions ITS, “Internal Transcribed Spacer”, des ADN ribosomaux).

Figure 1. Rhizopus arrhizus : Morphologie macroscopique des colonies sur milieu de Sabouraud-chloramphénicol-gentamicine après 24 h, 2 jours et 5 jours (de gauche à droite) d’incubation à 30°C.
Figure 2. Rhizopus arrhizus : Morphologie microscopique observée par la méthode du drapeau dans le bleu Coton au lactophénol.
Figure 3 : Vocabulaire dédié à la description microscopique des Mucorales.

Pour plus d’informations, consulter :

  1. Dolatabadi S, Hoog GS de, Meis JF, Walther G. Species boundaries and nomenclature of Rhizopus arrhizus (syn. R. oryzae). Mycoses. 2014;57(s3):108‑27.
  2. Walther G, Wagner L, Kurzai O. Updates on the taxonomy of Mucorales with an emphasis on clinically important taxa. J Fungi (Basel) [Internet]. 14 nov 2019 [cité 25 févr 2020];5(4). Disponible sur: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6958464/
  3. GS de Hoog, J Guarro, J Gené, S Ahmed, AMS Al-Hatmi, MJ Figueras, et al., éditeurs. Atlas of Clinical Fungi. 3rd edition. Utrecht / Reus; 2019.

Cécile Angebault et Françoise Botterel
(CHU Henri Mondor, APHP ; EA 7380 Dynamic UPEC, EnvA, ANSES)

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