Champignon du mois – Juillet 2020

Juillet 2020


Trichophyton tonsurans

REGNE : Fungi
PHYLUM : Dikarya, Ascomycota, Pezizomycotina
CLASSE : Eurotiomycètes
ORDRE : Onygénales
FAMILLE : Arthrodermataceae

Trichophyton tonsurans est un Ascomycète appartenant au groupe des dermatophytes, champignons filamenteux spécialisés capables de dégrader la kératine et responsables de la plupart des mycoses de la peau, des cheveux/poils et des ongles. On distingue trois groupes écologiques de dermatophytes : 1) les espèces anthropophiles dont l’habitat naturel est l’homme ; 2) les espèces zoophiles dont l’habitat naturel est un animal, et qui sont responsables des zoonoses les plus fréquentes ; et 3) les espèces géophiles dont l’habitat naturel est le sol. Les espèces anthropophiles sont généralement responsables de lésions peu inflammatoires, alors que les espèces zoophiles et géophiles provoquent chez l’homme, des mycoses inflammatoires.

La taxonomie des dermatophytes a été revisitée en 2017 d’après l’analyse des séquences de 5 gènes. Sur la base de ces séquences, un arbre phylogénétique a permis de définir les genres auxquels appartiennent les espèces anthropophiles et zoophiles, et les espèces exclusivement géophiles dont beaucoup ne sont pas pathogènes pour l’homme. Trichophyton tonsurans est un dermatophyte anthropophile initialement d’origine tropicale, mais qui connait depuis une vingtaine d’années une extension importante avec la description dans l’hémisphère nord d’épidémies de teignes du cuir chevelu en milieu scolaire et d’épidermophyties circinées en milieu sportif (en lien avec la pratique des arts martiaux).

En France, T. tonsurans provient essentiellement de Guyane et des Caraïbes (Haïti notamment). Ce champignon anthropophile présente un spectre clinique extrêmement large allant du simple état squameux du cuir chevelu (porteurs sains) à de véritables kérions (teignes inflammatoires), en passant par la classique teigne tondante trichophytique à petites plaques alopéciques squameuses. Sa prévalence dans les teignes du cuir chevelu a augmenté depuis une quinzaine d’années en France, et T. tonsurans est devenue l’espèce majoritaire en région parisienne. Trichophyton tonsurans peut aussi déterminer des lésions de la peau glabre, de présentation très variée, depuis une simple macule d’évolution progressive, à des lésions circinées typiques avec une croissance centrifuge, un centre en voie de guérison et une périphérie faite de petites vésicules ; des lésions franchement inflammatoires peuvent également se voir, à l’origine de difficultés diagnostiques. Enfin plus rarement, T. tonsurans peut être responsable d’onychomycoses.

Lésion circinée d’évolution centrifuge due à Trichophyton tonsurans, avec un centre en voie de guérison et une périphérie plus inflammatoire faite de petites vésicules.

Devant une lésion superficielle évoquant une mycose, un prélèvement à visée mycologique est indispensable pour identifier le champignon en cause, et ainsi préciser l’origine de la contamination. Ceci est particulièrement important pour pouvoir détecter une situation épidémique impliquant T. tonsurans qui diffuse très vite en collectivité (nombreux porteurs sains) ; un prélèvement doit donc être réalisé avant tout traitement. A partir des squames et/ou des cheveux prélevés au laboratoire, on réalise un examen microscopique direct après éclaircissement, et des cultures sur milieux de Sabouraud avec et sans cycloheximide. La croissance de T. tonsurans est souvent lente (10 jours minimum), mais la positivité de l’examen direct (présence de filaments mycéliens et/ou de spores) permet d’initier rapidement un traitement. En cas de teigne du cuir chevelu ou de la barbe, un parasitisme pilaire de type endothrix (uniquement intrapilaire) oriente le diagnostic vers T. tonsurans (diagnostic différentiel : Trichophyton soudanense et Trichophyton violaceum). Macroscopiquement, les colonies de T. tonsurans sont de texture veloutée à poudreuse, et de couleur blanc-beige ou jaune soufre au recto et beige à brun-rouge au verso. Microscopiquement, on observe des filaments mycéliens épais avec des ramifications courtes à angle droit et de très nombreuses microconidies polymorphes (de dimensions et de formes variées, avec simultanément des microconidies piriformes en acladium, d’autres rondes, et d’autres encore en massue), ainsi que des chlamydospores terminales ou intercalaires. De rares macroconidies à paroi lisse et mince sont parfois observées.

Trichophyton tonsurans : morphologie macroscopique recto et verso des colonies sur milieu de Sabouraud-chloramphénicol-gentamycine-cycloheximide (2 semaines de culture à 27°C). Morphologie microscopique typique : filaments mycéliens épais avec ramifications courtes à angle droit, très nombreuses microconidies polymorphes (rondes, piriformes ou en massue) et de taille variée, chlamydospores.

L’identification de Trichophyton tonsurans doit faire rechercher une situation épidémique familiale ou en collectivité avec dépistage de tous les sujets contacts. La prise en charge thérapeutique varie en fonction du siège et de l’étendue des lésions. Une lésion cutanée unique et peu étendue nécessitera uniquement un traitement antifongique topique, alors que les teignes du cuir chevelu et les lésions cutanées multiples et/ou étendues nécessiteront l’association d’un traitement topique et d’un traitement par voie orale. En France, seule la griséofulvine a l’AMM pour le traitement des teignes du cuir chevelu de l’enfant à la dose de 20 à 25 mg/kg/jour pendant 6 à 8 semaines. La terbinafine serait plus efficace dans les teignes trichophytiques, mais cet antifongique approuvé au Canada et aux USA n’a pas l’AMM en France pour le traitement des teignes du cuir chevelu. Le traitement médicamenteux doit s’accompagner impérativement de mesures favorisant l’application des topiques (cheveux courts sans rasage, détressage, …) et limitant la transmission passive environnementale (nettoyage à 60°C et/ou désinfection avec une poudre antifongique des instruments de coiffure, linge de lit, doudous, bonnets, …).

Pour plus d’informations, consulter :

  1. De Hoog GS, Dukik K, Monod M, Packeu A, Stubbe D, Hendrickx M, Kupsch C, Stielow JB, Freeke J, Göker M, Rezaei-Matehkolaei A, Mirhendi H, Gräser Y. Toward a Novel Multilocus Phylogenetic Taxonomy for the Dermatophytes. Mycopathologia. 2017; 182(1-2): 5-31.
  2. Vingataramin Y, Akhoundi M, Bruel C, Izri A, Brun S. Epidemiological and molecular characterization of a Trichophyton tonsurans epidemic in schools of a city in the northern suburbs of Paris, France. Clin Microbiol Infect. 2019; 25(4): 529-530.

Sophie Brun
sophie.brun@aphp.fr
(Laboratoire de Parasitologie-Mycologie, Hôpital Avicenne, APHP, Université Paris Sorbonne Paris Nord, Bobigny)

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