Récentes publications marquantes -Section Evolution et Biodiversité

# Comment l’environnement impacte le devenir des gènes acquis par transfert horizontal

Acar Kirit et al. ont transféré 44 gènes différents de Salmonella à E. coli et ont mesuré l’impact sur la fitness de l’hôte dans 6 environnements différents. Ils ont trouvé qu’il y avait de fortes différences de fitness en fonction du gène, mais que l’effet de chaque gène n’était pas prévisible car sa valeur adaptative présente de fortes différences selon l’environnement. Ils démontrent que la variance des effets de fitness d’un gène dépend de l’effet moyen sur le fitness de ce gène et ce dans tous types d’environnements: ceux avec des coefficients de sélection plus forts (fortement létaux ou fortement neutres) ont un effet similaire dans les différents environments, tandis que ceux ayant un coefficient de sélection intermédiaire, varient beaucoup entre environnements.

Référence :

Hande Acar Kirit, Jonathan P Bollback, Mato Lagator, The Role of the Environment in Horizontal Gene Transfer, Molecular Biology and Evolution, Volume 39, Issue 11, November 2022, msac220, https://doi.org/10.1093/molbev/msac220

# Nouvelles sur le front des conflits inter-viraux

Un nouveau papier dans Cell rapporte la découverte de systèmes antiviraux CRISPR-Cas dans des génomes…de virus ! Les premières observations de systèmes CRISPR-Cas dans les génomes des virus bactériens (phages) ont été faites chez les phages infectant Vibrio (Seed et al., 2013), puis plus récemment chez des phages ayant des génomes particulièrement larges (Al Shayeb et al., 2020). Cette nouvelle étude par Al Shayeb et al. révèle que, même s’ils sont relativement rares, les systèmes CRISPR-Cas phagiques présentent une distribution et une diversité très larges, couvrant tout le panel de systèmes CRISPR-Cas déjà connus. Les auteurs suggèrent que les systèmes CRISPR-Cas phagiques proviennent de la capture de systèmes bactériens et de leur adaptation aux contraintes liées au mode de vie des phages. Par exemple, les effecteurs Cas codés par les phages sont particulièrement compacts comparés à leurs homologues bactériens, ce qui les rend particulièrement intéressants pour des applications biotechnologiques.

Pourquoi les phages codent-ils des systèmes de défense anti-phage? De nombreuses études récentes suggèrent qu’il s’agit d’une stratégie permettant aux phages, et plus largement, aux éléments génétiques mobiles, de répondre à la forte compétition qui existe entre ces éléments pour leur hôtes (Rocha & Bikard, 2022). En accord avec cette idée, Al-Shayeb et al. ont observé que les CRISPR-Cas phagiques sont dirigés contre des éléments génétiques compétiteurs. Un exemple frappant est celui de la co-occurrence de 2 types de systèmes CRISPR-Cas dans les génomes des phages “Biggie”, qui ciblent tous les deux un plasmide qui portant lui-même des systèmes anti-phage.

La recherche sur les conflits inter-viraux est en plein essor et cette nouvelle étude des laboratoires de Jennifer Doudna et Jillian Banfield (Université de Californie, Berkeley, États-Unis) vient renforcer l’idée que de nombreuses découvertes passionnantes restent à faire dans ce domaine!

Références:
Seed et al., 2013 Nature ( https://doi.org/10.1038/nature11927)
Al Shayeb et al., 2020 Nature (https://doi.org/10.1038/s41586-020-2007-4)
Al Shayeb et al., 2022 Cell (https://doi.org/10.1016/j.cell.2022.10.020)
Rocha & Bikard, 2022 PLoS Biology (https://doi.org/10.1371/journal.pbio.3001514)

# Comment Myxococcus xanthus tue d’autres bactéries pour s’en nourrir

Myxococcus xanthus est une bactérie sociale au comportement étonnant et fascinant : celle-ci chasse “en meute” d’autres bactéries, comme Escherichia coli. Jusque récemment, les mécanismes employés dans cette chasse étaient peu connus. Or il avait été constaté que les génomes de Myxococcus et de nombreuses de ses congénères, comportaient un variant du système de sécrétion de type III (T3SS), plus connu comme facteur de virulence permettant à de nombreux pathogènes comme Pseudomonas ou Salmonella, d’injecter des toxines dans des cellules eucaryotes cibles. Un article récent (Thiery et al., 2022) propose enfin un rôle à ce T3SS* atypique – il permettrait à M. xanthus de lyser les cellules dont cette bactérie tire ensuite des nutriments, et ce de concert avec une autre machinerie cellulaire singulière dont le rôle a aussi été récemment proposé : un pilus nommé “Kil” ressemblant à un pilus Tad (Seef et al., 2021). T3SS* et Tad-Kil fonctionneraient donc de manière coordonnée. Leurs composants s’accumuleraient au point de contact avec la cellule proie. Tad-Kil serait impliqué dans la mise à mort des cellules proies, tandis que les auteurs proposent que le T3SS* déclenche la lyse de celles-ci. C’est par ce mécanisme de mise à mort par contact avec la cellule proie impliquant deux machineries cellulaires, que M. xanthus pourrait se nourrir des contenus cellulaires ainsi relargués dans le milieu.

Références :
Thiery et al., 2022 Cell Rep (https://doi.org/10.1016/j.celrep.2022.111340)
“The predatory soil bacterium Myxococcus xanthus combines a Tad- and an atypical type 3-like protein secretion system to kill bacterial cells”
Seef et al., 2021 eLife (https://doi.org/10.7554/eLife.72409)
“A Tad-like apparatus is required for contact-dependent prey killing in predatory social bacteria”

# Comment reconstruire des génomes des environnements tout en tenant compte des lignées rares ?

Les génomes assemblés à partir de données métagénomiques (MAGs) sont extrêmement utiles pour analyser la diversité génomique microbienne non cultivée, ainsi que pour caractériser le potentiel fonctionnel et métabolique dans les environnements et les communautés naturelles des environnements. Les récents développements informatiques ont considérablement amélioré la reconstruction des MAGs, mais ont également mis en évidence plusieurs limitations, telles que le non-assemblage des régions de séquence avec des répétitions ou présentant une composition nucléotidique distincte. Différentes stratégies d’assemblage et de « binning » sont souvent utilisées ; cependant, on ne sait toujours pas quelle stratégie d’assemblage, combinée à quelle approche de « binning », offre les meilleures performances pour la construction des MAGs. Plusieurs méthodes ont été proposées afin de reconstruire les MAGs, mais les utilisateurs sont généralement limités à l’assemblage d’un seul métagénome ou doivent définir manuellement des ensembles de métagénomes à assembler (par exemple, un regroupement des échantillons métagénomiques sur la base de leur provenance géographique a souvent été proposé, sans pour autant démontrer la validation biologique de cette hypothèse). Cet été, des chercheurs de l’université de Nantes ont proposé un nouveau pipeline d’analyse Snakemake (https://gitlab.univ-nantes.fr/bird_pipeline_registry/magneto), nommé MAGNETO, dédié à la reconstruction de MAGs, et qui inclut une étape de coassemblage entièrement automatisée, précédée par un regroupement optimal des échantillons étudiés à partir du calcul de distances métagénomiques. Les stratégies mises en œuvre dans ce pipeline permettent d’améliorer la reconstruction des MAGs, et notamment ceux d’espèces peu abondantes.

Références :
Churcheward et al. 2022 mSystems (https://doi.org/10.1128/msystems.00432-22)
“MAGNETO: An Automated Workflow for Genome-Resolved Metagenomics”

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