Une exposition à ne pas rater !

La nouvelle exposition proposée cet automne par les Archives nationales dans le cadre magnifique de l’Hôtel de Soubise fait écho par un curieux hasard à un événement mondial qui nous a tous affectés : elle revient sur les attitudes adoptées au fil du temps par le pouvoir et la population face aux épidémies.

Archives nationales obligent, c’est bien sûr à travers l’histoire et les fonds documentaires qui la racontent que les épidémies qui ont frappé la France sont évoquées. Articulée en trois parties chronologiques couvrant plus de six siècles – de la grande peste qui dévasta l’Europe au XIVe siècle aux épidémies meurtrières de notre époque –, elle coïncide aussi avec le bicentenaire de Louis Pasteur (1822-1895), figure emblématique de la lutte contre les maladies.

L’exposition met en lumière les facteurs de propagation des épidémies, largement favorisée par le développement des transports. La mise en quarantaine des bateaux de commerce, soigneusement consignée dans les archives avec le nom de leur capitaine, révèle la prise de conscience de ce mode de propagation et la méfiance qui en découlait.

L’exposition insiste sur l’évolution des attitudes adoptées face aux épidémies : à un certain fatalisme qui les faisait endurer comme un fléau récurrent avec lequel il fallait vivre ont succédé des mesures pour les contrer. Les progrès de la science et de la prévention sont expliqués d’une manière accessible à tous. C’est là l’un des points forts de l’exposition qui s’ouvre d’ailleurs sur un lexique des maladies qui ont émaillé la vie des populations au fil des siècles, prélude indispensable à la compréhension du sujet.

Peste, variole, fièvre jaune, choléra ont décimé les populations et laissé de nombreuses traces dans les archives. Si la plupart sont d’ordre général sur l’évolution de la situation sanitaire, d’autres concernent des individus, qu’il s’agisse de malades ou de soignants nommément désignés. Une attestation du tout début du XVIe siècle en faveur d’un chirurgien qui s’était dévoué lors de la peste est un exemple parmi d’autres des documents nominatifs révélés par l’exposition et que l’on pense rarement à chercher.

Les visiteurs généalogistes seront donc immanquablement attirés par plusieurs autres documents remarquables : le registre paroissial de Givry en Saône-et-Loire, le plus ancien conservé en France. S’agissant en réalité d’un livre de comptes du curé de cette paroisse dans les années 1334-1357, il répertorie les décès consécutifs à la peste. La cause de la mort a été corroborée par les analyses effectuées sur les squelettes trouvés dans la région. Archéologie et généalogie se sont ici merveilleusement complétées.

Un document absolument exceptionnel, issu de la série F8 des Archives nationales mais provenant de l’ancien département de Loire Inférieure, est mis en valeur dans un cadre qui facilite son repérage : un « état des individus morts de la petite vérole » en 1810 a été dressé dans le but de responsabiliser les chefs de famille en les incitant à faire vacciner leurs enfants pour ne pas voir à leur tour leur nom figurer sur une telle liste… (voir ci-dessous)

L’affiche des 188 morts de la variole en 1810 en Loire-Inférieure

L’exposition donne à voir une étonnante affiche de l’époque napoléonienne. Y sont mentionnés, commune par commune, tous les morts de la « petite vérole » – la variole – en 1810 en Loire-Inférieure, l’actuelle Loire-Atlantique, avec leur âge et la date du décès. Sur les 188 victimes, 85 % ont moins de 20 ans et dans ce cas est cité le nom de leur père, mère ou tuteur.

De manière plus générale, les épidémies ont eu des incidences sur les modes de vie de la société dans son ensemble et par conséquent aussi sur les destins individuels, hier ou plus récemment : création d’hôpitaux, de lieux de prévention comme les lazarets, de cimetières… La mise en place du PACS en 1999 découle indirectement d’une épidémie puisqu’elle résulte des revendications des malades du Sida.

Respectant une chronologie qui mène à nos jours, les épidémies actuelles par le VIH ou le coronavirus, non éradiquées, ne pouvaient être oubliées : à leur sortie, les visiteurs sont invités à raconter en quelques mots – dans une cabine dédiée à cet effet – la manière dont ils ont vécu le premier confinement. Les Archives nationales entendent ainsi recueillir le plus grand nombre de témoignages afin de garder la mémoire de cet épisode de nos vies que nul d’entre nous n’aurait pu imaginer vivre avant qu’il ne se produise. Preuve que nous sommes tous témoins et acteurs des archives et de l’Histoire…

Le catalogue de l’exposition est un complément indispensable pour celles et ceux qui voudraient aller plus loin dans la connaissance du sujet. Un cycle de conférences est également prévu pendant la durée de l’exposition.

Informations pratiques

“Face aux épidémies. De la Peste noire à nos jours”, exposition du 12 octobre 2022 au 6 février 2023.

Lieu : Archives nationales, 60 rue des Francs-Bourgeois, 75003 Paris

Horaires : du lundi au vendredi de 10 h à 17 h 30 ; samedi et dimanche de 14 h à 17 h 30 ; fermé le mardi.

Entrée gratuite.

Catalogue : “Face aux épidémies. De la Peste noire à nos jours”, collectif, Editions Michel Lafon, Neuilly-sur-Seine, 2022, 208 pages, 29 €

Conférences :

  • 19 novembre 2022 : “La peste” par Patrick Boucheron
  • 26 novembre 2022 : “Le rire et ses usages en période d’épidémie” par Patrice Bourdelais
  • 14 janvier 2023 : “Revisiter notre lien aux microbes” par Marc-André Selosse
  • 21 janvier 2023 : “Sciences politiques et société” par Jean-François Delfraissy
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