Le métabolisme microbien électrifie les biotech, mais pas que…
Théodore Bouchez1 et Elie Le Quéméner2
1 Université Paris-Saclay, INRAE, PROSE, 92160, Antony, France
2 INRAE, Univ Montpellier, LBE, 102 avenue des Etangs, 11100, Narbonne, France
Le métabolisme fournit l’énergie nécessaire à toute activité cellulaire. Il consiste en un cortège de réactions d’oxydoréduction au cours desquelles des électrons issus d’un donneur d’électrons, communément appelé « substrat », sont transférés vers une succession d’intermédiaires biochimiques pour aboutir in fine sur un accepteur final d’électrons, comme par exemple le dioxygène dans le cas de la respiration aérobie. Une partie de l’énergie libérée au cours de ces transferts est utilisée pour produire des métabolites cellulaires (ATP, NADH, NADPH,…) qui constituent autant de « monnaies d’échanges énergétiques » permettant d’alimenter l’économie des processus cellulaires.
L’étude et la compréhension des phénomènes énergétiques associés aux transferts d’électrons est d’une importance cruciale pour les biotechnologues de la section Biotechnologie microbienne de la SFM. Ainsi, lors du Congrès 2021 à Nantes, la façon dont les contraintes énergétiques associés à ces phénomènes de transfert d’électrons permettent de sélectionner et d’assembler les populations microbiennes dans les procédés de biotechnologie environnementale à culture mixte, tels que les stations d’épuration d’eaux usées ou les unités de méthanisation de déchets, a été illustré au cours d’une session dédiée à la thermocinétique microbienne [1].
Le congrès Microbes 2022 à Montpellier a lui été l’occasion de découvrir une autre facette du métabolisme microbien. En effet, dans la nature, les microbes n’échangent pas seulement des électrons avec des molécules, mais aussi avec des surfaces ! C’est le cas par exemple de bactéries du genre Geobacter qui réduisent des précipités minéraux d’oxyde de fer ou de manganèse dans les sédiments [2]. Cette propriété métabolique a donné l’idée aux biotechnologues d’essayer d’interfacer ces microbes avec des électrodes, donnant naissance à de nouvelles technologies « électromicrobiennes » où des biofilms électroactifs sont exploités pour le traitement des eaux usées par exemple (Figure 1). La section biotech de la SFM a ainsi proposé une session spéciale dédiée à ces nouvelles technologies. Cette session a été l’occasion de découvrir les aspects fondamentaux des biofilms électro-actifs [3] aussi bien que diverses applications telles que le traitement d’effluents [4-6] ou la production de molécules à partir de CO2 et d’électrons [7].
Au-delà des biotechnologies, les recherches sur les microbes électro-actifs développées au cours de ces dernières années ont montré que la capacité à transférer des électrons extracellulaires est partagées par de nombreux microorganismes avec des métabolismes et des habitats variés [8]. L’omniprésence de cette capacité tient sans doute au fait que les transferts d’électrons entre microorganismes jouent un rôle important, mais actuellement sous-estimé, dans de nombreux écosystèmes microbiens. Il a ainsi été démontré que Listeria monocytogenes est capable de transférer des électrons via des flavines exogènes [9] et que cette capacité est cruciale pour une bonne colonisation de l’intestin d’un hôte. L’avancée des recherches en électromicrobiologie ouvre ainsi de nouvelles perspectives concernant l’étude des infections microbiennes, de la dynamique des communautés microbiennes dans l’intestin, mais aussi concernant la compréhension des interactions microbiennes dans divers environnements tels que les aliments, les sols ou les bioréacteurs.
Références