Champignon du mois – Avril 2021

Avril 2021


Aspergillus versicolor

REGNE : Eumycota (Fungi)
DIVISION : Ascomycota
SOUS-DIVISION : Pezizomycotina
CLASSE : Eurotiomycètes
ORDRE : Eurotiales
FAMILLE : Aspergillaceae
GENRE : Aspergillus

Aspergillus versicolor (Vuillemin (1903)) Tiraboschi (1908) est un champignon filamenteux considéré comme le chef de file de la section Versicolores. Cette dernière a vu le jour en 19261 avant de subir de multiples révisions suivant l’évolution des outils permettant d’affiner l’identification fongique tels que la microscopie électronique à balayage, le développement de différents milieux sélectifs et la biologie moléculaire. À ce jour, la section Versicolores se subdivise en deux sous-sections Versicolores et Sydowii regroupant 13 espèces2,3.

Aspergillus versicolor qui est l’espèce la plus étudiée de la section Versicolores, est communément considéré comme étant l’espèce la plus répandue. Il a pu être isolé à partir d’échantillons de sols (grotte, mangrove, désert,…)4, de diverses denrées alimentaires (arachides, jus de fruits, confiture, viandes, fromage, riz, épices,…) et aliments pour animaux (fourrages, granulés, …)5, ainsi que dans l’air d’environnements intérieurs (habitats, écoles, gymnase, …)6.

Cette moisissure est associée à de nombreuses pathologies aussi bien en médecine humaine que vétérinaire. Elle peut être incriminée dans des endophtalmies ou des onychomycoses, et exceptionnellement dans des aspergilloses pulmonaires invasives et des aspergillomes, mais elle est surtout connue pour provoquer des allergies et aggraver l’asthme7.

De plus Aspergillus versicolor produit la stérigmatocystine qui est une mycotoxine considérée comme cancérogène possible pour l’Homme, classée dans le groupe 2B par le CIRC8.

Aspergillus versicolor est une moisissure mésophile avec une vitesse de croissance relativement lente. Sur milieu MEA (Malt Extract Agar), on observe après 7 jours de culture à 25°C des colonies veloutées à granuleuses de couleur gris turquoise à vert grisâtre mesurant 15 à 25 mm de diamètre (Figure 1). Le mycélium, parfois peu visible, varie d’une teinte blanche à chamois. Le revers, généralement non coloré, peut tendre vers le brun jaune ou brun orangé jusqu’au verdâtre terne. Son développement à 37°C, bien qu’ayant été rapporté, est rare9.

Figure 1. Aspect macroscopique de colonies d’Aspergillus versicolor sur milieu MEA. (Source : ToxEMAC)

À l’examen microscopique (Figure 2), les têtes conidiennes sont radiées. Les conidiophores mesurant de 200 à 400 µm sont incolores à jaunes, voire légèrement brunâtres et présentent une paroi lisse. Ils sont larges et non cloisonnés et se terminent par une vésicule piriforme à spatulée (diamètre de 9-16 µm), bisériée et recouverte pour moitié ou en totalité par des métules (4-8 x 2,5-4 µm) portant elles-mêmes des phialides (5-9 x 2-3 µm). Les conidies (diamètre de 2-4,5 µm), toutes unicellulaires, sont globuleuses à subglobuleuses avec une paroi légèrement à fortement rugueuse9. Dans de rares cas, il est possible d’observer des conidiophores courts et fins, terminés par une vésicule réduite, ce qui évoque un Penicillium ainsi que des cellules en noisette ou Hülle cells (diamètre de 12-20 µm, sphériques, à paroi lisse, épaisse, incolore et réfringente).

Figure 2. Aspect microscopique d’Aspergillus versicolor (grossissement x1000). (Source : ToxEMAC)

Les isolats environnementaux des espèces de la section Versicolores présentent une grande hétérogénéité de caractéristiques macro-phénotypiques (d’où le nom Versicolores !), mais peu de différences concernant les caractéristiques micro-phénotypiques. Ceci a conduit l’équipe de Jurjevic2 à mener une étude phylogénétique basée sur l’amplification et le séquençage de 6 loci permettant d’identifier les espèces monophylétiques au sein de la section Versicolores. Cette étude a mis en évidence neuf nouvelles espèces (Aspergillus austroafricanus, A. creber, A. cvjetkovicii, A. fructus, A. jensenii, A. puulaauensis, A. subversicolor, A. tennesseensis et A. venenatus) reconnues par le Westerdijk Fungal Biodiversity Institute en 20143. Cette révision taxonomique vient bouleverser la section Versicolores. En effet, Visagie et son équipe3 indiquent que la grande majorité des isolats d’Aspergillus versicolor devraient, en fait, être identifiés en tant qu’Aspergillus creber. Des travaux sont actuellement en cours pour déterminer si cette diversité au sein de la section Versicolores s’observe au travers des activités biologiques et des profils métaboliques de ces nouvelles espèces10.

Pour plus d’informations, consulter :

  1. Thom C, Church M. The Aspergilli. MD: Williams & Wilkins; 1926.
  2. Jurjevic Z, Peterson SW, Horn BW. Aspergillus section Versicolores: nine new species and multilocus DNA sequence based phylogeny. IMA Fungus. 2012;3(1):59-79.
  3. Visagie CM, Hirooka Y, Tanney JB, et al. Aspergillus, Penicillium and Talaromyces isolated from house dust samples collected around the world. Studies in Mycology. 2014;78:63-139.
  4. Domsch KH, Gams W, Anderson TH. Compendium of soil fungi. Academic Press; 1980.
  5. Lanier C, Richard E, Heutte N, Picquet R, Bouchart V, Garon D. Airborne molds and mycotoxins associated with handling of corn silage and oilseed cakes in agricultural environment. Atmospheric Environment. 2010;44(16):1980-1986.
  6. Delanoë A, Heutte N, Gente S, Séguin V, Garon D. Relationships between exposure to bioaerosols, moldy surface and symptoms in French mold-damaged homes. Atmosphere. 2020;11(3):223.
  7. Jarvis JQ, Morey PR. Allergic respiratory disease and fungal remediation in a building in a subtropical climate. Appl Occup Environ Hyg. 2001;16(3):380-388.
  8. International Agency for Research on Cancer. Agents Classified by the IARC Monographs. 2012;56.
  9. Klich MA. Identification of common Aspergillus species. Centraalbureau voor Schimmelcultures, Utrecht, The Netherlands. 2002.
  10. Géry A, Lepetit C, Seguin V, Heutte N, Bonhomme J, Garon D. Étude de la viabilité des cellules A549 après exposition directe aux spores d’espèces aspergillaires de la section Versicolores. Rev Mal Respir Actualités. 2021;13(1):63-64.

Antoine Géry, Virginie Séguin, Julie Bonhomme et David Garon
(Laboratoire de Mycologie, ABTE-ToxEMAC, EA 4651, UFR Santé, Université de Caen)

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