Au travers de deux articles (Dedrick RM et al. 2019, Nat Med ; Law N et al. 2019, Infection), démontrant d’une utilisation, comme vous le lirez plutôt compassionnelle, en association avec une antibiothérapie. Les deux cas décrits concernent deux patients atteints de mucoviscidose. Les patientes étaient infectées dans un cas par une mycobactérie à croissance rapide, Mycobacterium abscessus, et dans l’autre cas par un bacille à Gram négatif non fermentaire : Pseudomonas aeruginosa. Les bactéries étaient quasiment résistantes à tous les antibiotiques administrés. Devant les tableaux cliniques graves, dans un contexte de pré- ou de post-greffe pulmonaire, un cocktail de phages a été administré par voie veineuse en association avec une antibiothérapie par voie systémique. Dans le contexte de l’infection disséminée à M. abscessus, une amélioration a été observée, mais sans élimination de la bactérie. Comparativement, l’infection à P. aeruginosa a été contrôlée, avec une négativité des échantillons cliniques, et surtout une greffe a pu être ensuite réalisée.
Les phages sont en fait communément appelés virus des bactéries. Ils ont une longue histoire en commun, les évolutions génétiques bactériennes étant souvent liées à l’acquisition ou la perte de matériel génétique issu de ces phages. Certains sont dits lytiques, capables de tuer la bactérie. D’autres sont dits lysogéniques, établissant une sorte de symbiose avec la bactérie, sans la tuer. Et c’est en effet l’un de leur inconvénient, car les phages ne peuvent vivre ou survivre sans les bactéries. Il faut donc qu’il y est quelques bactéries survivantes pour le maintien de ceux-ci.
Dans un contexte français, les cocktails de phage ont une utilisation très encadrée par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM). Leur utilisation est réservée à des cas où aucune autre alternative thérapeutique n’est envisageable, à titre compassionnel et exceptionnel. L’ANSM a encadré plusieurs utilisations dans un contexte de pathologie infectieuse ostéo-articulaire, à bactéries multi-résistantes ; contexte très différent d’infections chroniques multi-bactériennes telles qu’observées dans la mucoviscidose. Un protocole d’étude clinique a été réalisé, en partie, dans le contexte d’infections cutanées survenant chez les patients brûlés. Ce protocole a été interrompu car ne montrait pas de bénéfice supérieur au soin courant réalisé chez ces patients. Le frein le plus important au développement de cette approche thérapeutique réside actuellement dans le mode de fabrication des bactériophages, qui devrait respecter les normes européennes en vigueur pour les laboratoires pharmaceutiques. Il y a donc encore du chemin à parcourir, tant sur le plan recherche avec des modèles d’études appropriés, sur le plan d’une production sécurisée et de qualité, que sur le plan clinique, pour une utilisation plus large de ces cocktails de phages.
oana.dumitrescu@chu-lyon.fr
gerard.lina@univ-lyon1.fr
jean-louis.herrmann@aphp.fr
Dedrick RM, Guerrero-Bustamante CA, Garlena RA, Russell DA, Ford K, Harris K, Gilmour KC, Soothill J, Jacobs-Sera D, Schooley RT, Hatfull GF, Spencer H. Engineered bacteriophages for treatment of a patient with a disseminated drug-resistant Mycobacterium abscessus. Nat Med. 2019 May;25(5):730-733. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/31068712
Law N, Logan C, Yung G, Furr CL, Lehman SM, Morales S, Rosas F, Gaidamaka A, Bilinsky I, Grint P, Schooley RT, Aslam S. Successful adjunctive use of bacteriophage therapy for treatment of multidrug-resistant Pseudomonas aeruginosa infection in a cystic fibrosis patient. Infection. 2019 Aug;47(4):665-668. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/31102236