Mai 2020
Fusarium solani species complex
REGNE : Fungi
PHYLUM : Dikarya, Ascomycota, Pezizomycotina
CLASSE : Sordariomycètes
ORDRE : Hypocréales
FAMILLE : Nectriaceae
Le genre Fusarium a vécu et vit encore une révolution taxonomique majeure. En effet, les études moléculaires ont à la fois montré les insuffisances des méthodes classiques d’identification et permis de décrire des espèces cryptiques (espèces phylogénétiques), indifférenciables morphologiquement et regroupées au sein de 10 complexes d’espèces pour les espèces pathogènes pour l’homme. Le complexe d’espèces Fusarium solani est le principal de ces complexes. Outre l’espèce F. solani, ce complexe renferme les espèces Fusarium petroliphilum, Fusarium keratoplasticum, et Fusarium falciforme auxquelles il faut ajouter une vingtaine d’espèces phylogénétiques pour lesquelles aucun binôme linnéen n’a été proposé. Des études chez l’animal ont montré que Fusarium solani est le complexe le plus virulent. Cependant, l’impact d’une identification précise de l’espèce au sein de ce complexe sur la prise en charge des patients infectés n’a pas été clairement démontré. Le genre Fusarium est caractérisé par une extrême diversité, ainsi que par des parentés morphologiques avec des genres proches, notamment les genres Acremonium et Sarocladium. Certaines espèces du complexe F. solani sont capables de s’engager dans une reproduction sexuée et les formes sexuées correspondantes sont classées dans le genre Nectria. Le génome de F. solani est connu. Il comprend 40 Mb organisé en 5 à 13 chromosomes.
Les Fusarium sont des champignons très présents dans l’environnement humain et doués d’une adaptabilité remarquable. Fusarium solani est retrouvé aussi bien dans les régions tropicales et intertropicales qu’en zone tempérée. Les Fusarium sont avant tout des phytopathogènes et F. solani infecte de très nombreuses espèces végétales comme le blé, le soja, le maïs, les oliviers …. Fusarium solani a également fait la une des journaux lorsqu’il a été incriminé dans l’attaque des peintures rupestres de la grotte de Lascaux. Enfin, F. solani est responsable d’infection chez les crevettes (pertes économiques) ou les tortues marines.
Chez l’homme, le spectre clinique des infections à Fusarium est large. Les espèces du complexe F. solani sont responsables d’environ 60% des cas de fusarioses. On retrouve ces champignons à l’origine d’infections superficielles comme les onychomycoses. L’infection est habituellement plus rapidement progressive que celles déterminées par les dermatophytes. Fusarium solani est particulièrement impliqué dans des cas de kératite. Celles-ci surviennent soit à la suite d’une blessure par un végétal porteur du champignon, soit chez les porteurs de lentilles de contact ne respectant pas scrupuleusement les règles d’entretien. Une large épidémie internationale de kératites à Fusarium a été décrite en 2006 en lien avec l’utilisation de certains produits d’entretien des lentilles de contact. Enfin, F. solani a émergé à partir des années 1970, comme un champignon opportuniste compliquant les états d’immunodépression. Les patients atteints d’hémopathie maligne, neutropéniques ou ayant bénéficié d’une allo-greffe de moelle osseuse sont les patients les plus à risque. La contamination se fait le plus souvent par inhalation, mais une onychomycose ignorée peut être le point de départ d’une infection disséminée. L’atteinte pulmonaire est souvent présente, mais les infections à Fusarium sont caractérisées par la présence d’hémocultures positives (50% des cas environ) et d’atteintes cutanées secondaires (métastases infectieuses) dans 70% cas. L’examen direct des produits pathologiques ou fragments biopsiques met en évidence des filaments fins septés, très difficiles à différencier de ceux d’Aspergillus.
In vitro, les souches du complexe F. solani présentent des concentrations minimales inhibitrices très élevées à de nombreux antifongiques : amphotéricine B, itraconazole, isavuconazole, voriconazole. Les échinocandines sont inefficaces sur le genre Fusarium.
Sur un plan mycologique, la croissance est rapide (48-72 heures) sur les milieux de culture usuels. Les colonies ont un aspect duveteux ou poudreux. Initialement de couleur blanche ou crème, elles prennent des teintes bleu-vert, bleuâtre à marron. Le revers peut être incolore ou prendre une teinte brique foncé, virant vers le brun. Microscopiquement, on note des macroconidies, peu septées (3-4) en forme de canoé. Les microconidies, parfois septées, peuvent prédominer. Ces conidies groupées en amas sont produites par des phialides longues et fines. Ces caractéristiques subtiles ne permettent cependant pas une identification précise avec certitude. Un séquençage multiloci (gènes TEF1 alpha, RPB1, RPB2) ou une analyse par spectrométrie de masse MALDI-TOF (avec une base de données adéquate) est nécessaire pour obtenir une identification précise de l’espèce au sein du complexe.
Le pronostic des infections opportunistes est très péjoratif (70% de décès). Une recherche fondamentale intense est développée par les équipes de recherche tournées vers la phytopathologie. Certaines avancées pourraient cependant bénéficier à la mycologie médicale en vue d’une meilleure prise en charge des infections humaines.
Pour plus d’informations, consulter :
Nucci F, Nouér SA, Capone D, Anaissie E, Nucci M. Fusariosis. Semin Respir Crit Care Med. 2015;36(5):706-14.
Broutin A, Bigot J, Senghor Y, Moreno-Sabater A, Guitard J, Hennequin C. In Vitro susceptibility of Fusarium to isavuconazole. Antimicrob Agents Chemother. 2020;64(2):e01621-19.
Christophe Hennequin et Jeanne Bigot
(Sorbonne Université, Inserm, Centre de Recherche Saint-Antoine, AP-HP, Hôpital Saint-Antoine, Service de Parasitologie-Mycologie, Paris)